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Je potage les semences de liberté
En quelques mots !

Les semences de la grande distribution sont souvent des graines hybrides F1, optimisées et brevetées

Refuser le brevetage du vivant par les géants semenciers

Préserver la biodiversité et le patrimoine botanique

Je le vois déjà… le potager de mes rêves…

Laisse-moi te parler… de ces presque 20 Millions de Français qui jardinent. Mais jardiner n’est pas potager (néologisme militant); seulement 1⁄3 des lopins de terre auraient une fonction de culture de fruits et légumes, même partielle. C’est vrai, que la chance est venue pour moi de grandir en zone rurale. Mes grands-parents cultivaient des asperges, des pommes de terre, de la vigne ; je les aidai à les récolter… Sur ces terres, aujourd’hui deux maisons d’habitation ont été construites. As-tu déjà entendu parler de solastalgie ? Ressens-tu un sentiment particulier à l’altération de ton environnement familier, à la perte de sens ? Adolescent, je n’ai pas été consulté pour savoir si j’aimerais acquérir ou en hériter de ces terres et trouver un compromis. Mais la raison financière du moment l’emporte souvent, au détriment d’un patrimoine familial inestimable.

Côté expérience de vie, j’ai aussi participé à deux saisons estivales maraîchères: un seul mot d’ordre, la récolte ! Il n’y a pas la place d’accorder de l’amour et de l’attention bienveillante aux légumes : tout se récolte, de façon mécanique… laitues, melons, tomates, poireaux, pommes de terre 8h/jour à s’altérer le mental, des haricots verts sans casser le pied ni perdre la forme de ses vertèbres du dos… Cette expérience m’a transmis un regard critique sur la notion d’argent et sa gestion: ce travail est très physique, avec les joies et les désarrois d’un travail en extérieur, et la rémunération est ridicule. Chaque dépense sera désormais pesée au poids de l’effort fourni, même plus tard dans ma vie pro avec un cursus d’ingénieur.

Dans ma maison familiale, mes parents, fan de jardinage et de bricolage, ont su construire un petit havre de bonheur : y élever quelques courgettes, tomates et les cousins de solanacées, radis et les confrères de brassicacées… Pour avoir 3 légumes au fond de son assiette, c’est un travail de l’ombre en fait, au quotidien pour les gourmandes en eau comme les courgettes et les aubergines. Un ESAT Horticole existant proche de chez moi, nous y favorisons l’achat de plants. Rien n’est simple en culture d’ailleurs, quelle que soit la semence d’origine: les vers de la mouche de la cerise attaquent les fruits, ceux de la mineuse de la betterave détruisent inlassablement les feuilles et donc la récolte, les framboisiers sont doublement attaqués par la mouche Drosophila suzukii et un coléoptère​… Il en faut du courage, de la persévérance et de la patience. Notions vagues de permaculture, de paillage, de purin d’ortie et de bourrache fait-maison, de compagnonnage idéal entre légumes ou pas en poche. Enfant, je ne me suis jamais posé la question de savoir d’où viennent les graines, lieu de magie de la vie et de la division des cellules au ​cœur ​d’une simple graine. Encore moins de savoir si elle était bio cette semence. Les légumes dans l’assiette, déjà cuisinés, tout paraît si simple. Le temps est venu…

 

Partir à la conquête de l’autonomie semencière

Chaque instant de chaque jour, je veux te dire… choisis bien tes semences ! L’année A, tu ouvres ton paquet de semences, chouettement désigné et marketé pour te vendre du rêve… Tu sèmes… sans tenir compte du calendrier lunaire en phase ascendante ou descendante, faisons simple. Cela pousse, cela ne pousse pas… on dirait le jeu du pile ou face ! Le taux de (test de) germination est rarement indiqué sur les paquets. Si les graines datent d’un paquet ouvert l’an passé (n’est-ce pas mes petits brocolis qui ont décidé de se cacher en terre !), bon courage pour en espérer une récolte sûre. Qu’aurais-je donc pu faire des graines restantes ? Point à venir plus bas ! Le sais-tu ? Si tu laisses “monter” certains légumes, tu peux en récolter les graines et ainsi favoriser l’expérience de la graine adaptée à ton sol de génération en génération. Allez c’est parti : une boîte hermétique en verre recyclé d’un pot de tartinade, une étiquette et une date pour dire qui est qui dans ce monde minuscule de la vie. Encore, faudrait-il que la graine d’origine mère ne soit pas une hybride F1 !

F1, tu me dis ? Que cache ce terme ? ​Les hybrides F1 sont des variétés issues du croisement, par l’humain, de parents sélectionnés pour leurs propriétés : rendement, précocité, qualité gustative, résistance aux maladies. La volonté est louable, le travail de recherche conséquent, l’intérêt compréhensible pour tout jardinier industriel et amateur. Le résultat est toutefois une semence dite à descendance stérile, incapable de partager avec assurance ces caractéristiques travaillées à sa descendance. Tout cela m’interpelle vraiment… Curieux, je cherche à en savoir plus sur leurs procédés de semenciers… je n’ai pas de plaisir particulier à critiquer si je suis ignorant des bases.

Récemment, en période de confinement, je trouve parmi d’autres intérêts d’agro-écologie, de cours de botanique avec Tela Botanica, de permaculture, du monde des abeilles et de l’apiculture, un MOOC sur les semences (voir le lien à la fin de l’article). Bingo. ​À la fois ​intéressant et déroutant, ​voulu accessible à tous, et désigné comme un livret d’accueil pour les futures personnes travaillant chez les semenciers, l’ensemble est complexe et long, mais les premières notions proposées sont suffisantes, pas besoin d’aller au bout dans tout détail. C’est bien et louable de jouer avec le vivant, d’agir pour mieux nourrir la planète en surchauffe de population et de ressources disponibles, mais, moi, c’est décidé, j’abandonne les F1 !

Par le jeu des mots-clés sur une recherche internet est porté à mes yeux le projet de l’association Kokopelli. Selon ses propres termes, elle “se consacre (…) à la protection de la biodiversité alimentaire et médicinale, à la production de semences et de plants issus de l’agro-écologie, et au soutien (gratuit) des communautés paysannes (mondiales) n’ayant plus accès aux semences fertiles.” 1000 à 2000 variétés… un frisson de bonheur parcourt mes papilles en prenant conscience qu’il existe tant de variété de la famille cucurbitacée par exemple, des couleurs merveilleuses, des formes variées, une morphologie unique. J’apprends même que Kokopelli a été ​condamnée après avoir distribué des semences anciennes non enregistrées.

D’autres mouvements Européens existent, comme celui-ci de ​semences en open-source​, “Open Source Seeds”. Ça commence par moi, par toi ! Enfin, une excellente nouvelle pour clôturer cet article, la vente de semences paysannes à des jardiniers amateurs a été officiellement autorisée et publiée au Journal Officiel daté du 11 juin. Il est venu le temps… de faire de petits actes de résistance, pour reproduire, protéger et échanger des variétés potagères, pour préserver un patrimoine gustatif libre de droit.

L'auteur :  Vincent

Stimulé par l'air marin de l'Atlantique et la beauté des zones naturelles de sa région, Vincent apprécie butiner (et diffuser) les idées et les initiatives citoyennes, alternatives à un monde plus sobre et responsable.

Stimulé par l'air marin de l'Atlantique et la beauté des zones naturelles de sa région, Vincent apprécie butiner (et diffuser) les idées et les initiatives citoyennes, alternatives à un monde plus sobre et responsable.

J’agis aujourd’hui

› Je privilégie les semences libres et associatives, aux semences brevetées dont les hybrides F1

› Je partage mes semences restantes


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