En quelques mots !
› Nous avons perdu trop de temps à agir contre le dérèglement climatique
› Il est urgent de proposer des objectifs communs pour mobiliser les foules
› Produire une partie de son alimentation permet de se reconnecter au Vivant
Après l’épidémie la famine ?
Alors que les indicateurs de la malnutrition étaient déjà alarmants avant la crise sanitaire, des dizaines de millions de personnes sont susceptibles de venir gonfler les rangs de celles qui souffrent de la faim cette année. L’ONU prévient même dans un rapport publié en avril que le nombre de personnes au bord de la famine pourrait doubler, de 135 millions en 2019 à 265 millions d’ici la fin de l’année 2020. « Nos systèmes alimentaires ne fonctionnent plus et la pandémie du Covid-19 aggrave la situation », estime le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
Et cette situation préoccupante ne concerne pas uniquement les pays du Sud. Aux États-Unis, près d’un enfant sur cinq ne mange pas à sa faim depuis le début de la pandémie. En France, de longues files d’attente se sont formés régulièrement en Seine-Saint-Denis, lors de distributions de colis alimentaires. Le Secours Populaire a noté une augmentation de 45% demandes d’aide depuis le mois de mars, par rapport à la même période l’année dernière, avec une situation toujours très préoccupante pour les étudiants. L’arrêt de l’alimentation en milieu scolaire serait d’ailleurs un facteur déterminant pour expliquer cette situation de tension, le repas scolaire étant le principal (et parfois unique) apport calorique de la journée.
Le pire, c’est que l’avenir semble encore plus sombre et que cette épisode ponctuel n’est qu’un bref aperçu des bouleversements causés par le réchauffement climatiques que nous ressentirons dans les prochaines décennies. S’adapter ou subir ? Nous avons très peu de temps pour réorienter notre modèle alimentaire si nous voulons nous montrer à la hauteur des enjeux. Et si les pistes à explorer sont multiples (réduction du gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne, limitation drastique de la part de chaire animale dans notre alimentation, adoption de techniques agricoles en phase avec le rythme de la nature, etc.) il apparait que les citoyens ont un rôle clé à jouer pour retrouver une partie d’autonomie tout en participant à régénérer le Vivant.
Les Jardins de la Victoire remis au goût du jour
Ce qui est enthousiasmant, c’est que nous ne partons pas de rien ! Les « Victory Garden » sont un bel exemple de ce que nous pouvons faire pour tendre vers l’autonomie alimentaire dans nos régions. En effet, pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, les citoyens de certains pays en guerre (Canada, USA, Allemagne ou encore Royaume-Unis) ont été encouragés à planter un « Jardin de la Victoire », c’est-à-dire un potager où ils pourraient produire une partie de leur nourriture (légumes, fruits, plantes aromatiques, etc.). Il faut bien avoir en tête que la période était particulièrement difficile et que les aliments frais étaient souvent rationnés.
Les gouvernements ont incité les gens à jardiner non seulement pour compléter leurs propres rations (et ainsi réduire la pression sur les agriculteurs), mais aussi pour relever le morale des troupes. Rien de tel que d’unir un peuple dans une lutte commune pour donner un esprit de corps à un pays. Sans compter les longues heures passer à faire de l’exercice à l’air libre. Cultiver son jardin est donc rapidement devenu un geste patriotique profondément valorisant.
Et ces jardins de la victoire se sont multipliées à vitesse grand V : sur les terrains résidentiels et les terrains vagues, bien sûr, mais aussi dans les parcs publics, les cours d’école et sur les terrains des entreprises. La moindre parcelle de terre fut bientôt couverte de légumes, même en pleine ville.
Pour Jean-Jacques Fasquel, interviewé dans le cadre du podcast 2030 Glorieuses, les urbains d’aujourd’hui sont prêts à se lancer et le parcours vers l’autonomie alimentaire commence par le compostage collectif en pieds d’immeubles. Pour ce maître-composteur, la valorisation des déchets organiques est un excellent moyen de remettre le pied à l’étrier d’une génération qui doit « réapprendre le BA-BA du jardinage et de se rendre compte que ça fait du bien de remettre les mains dans la terre ». Une pratique vertueuse pour faire d’une pierre deux coups puisqu’elle donne la possibilité non seulement d’apporter de l’engrais aux cultures mais aussi de réduire les déchets. Selon lui, le prétexte du compost permet « de boucler la boucle en plantant un carré d’herbes aromatiques, puis un jardin potager, un poulailler, un rucher, une mare… bref un petit laboratoire d’agriculture urbaine qui montre que tout est possible y compris en ville ».
Une auto-production efficace si elle est ambitieuse
Fort de cette exemple, il est difficile de ne pas voir l’intérêt immense que nous avons à relancer cette grande vague des « Jardins de la Victoire » contre le réchauffement climatique. Pour enfoncer le clou définitivement, ce petit problème mathématique vous montrera à quel point cela a du sens :
Si la France compte 29 millions d’hectares de Surface Agricole Utilisée (SAU) et que 530 000 hectares sont dédiés aux fruits et légumes (soit plus de 2% de la SAU).
Si la France compte 17 millions de jardiniers et que la surface des jardins représente un million d’hectares. Combien les jardiniers pourraient produire de fruits et légumes, comparativement à la production actuelle ?
La réponse est simple : le double ! Une marge de manœuvre à mettre en perspective avec les 5 à 10 % de fruits et légumes, sur le volume total français, produits actuellement en auto-production dans les meilleurs des cas. Pourtant, que de possibilités extraordinaires. S’appuyer sur la culture des jardins ouvriers et le jardinage amateur est un fantastiques levier pour développer l’autonomie alimentaire de notre pays. Sans parler du bénéfice pour la biodiversité et la captation de carbone engendrée par ces millions d’hectares nouvellement cultivés…