Nous avons perdu trop de temps à nous accorder sur comment changer le monde…
En quelques mots !

Nous avons perdu trop de temps à agir contre le dérèglement climatique

Il est urgent de proposer des objectifs communs pour mobiliser les foules

Nous avons plus à gagner qu’à perdre à changer radicalement nos modes de vie

Un immobilisme désespérant

Depuis le rapport Meadows des années 70, le débat écologique a été principalement réduit à des discussions techniques pour valider quelles solutions devaient être mise en place pour limiter notre impact sur la planète. Près de 50 ans plus tard, ces conversations font rage sans que de véritables actions concrètes aient été mises en place et que notre course consumériste effrénée ait été ralentie. Pire, les limites planétaires sont en train d’être dépassées les unes après les autres et nous continuons à chercher l’impossible découplage entre économie et écologie.

Sommes-nous voués à l’immobilité ? Sommes-nous dépassés par un défi hors de notre portée ? Ou peut-être est-ce notre incapacité à appréhender le temps long qui nous pénalise tant ? Comment expliquer cet échec monumental alors que l’humanité a montré tout au long de l’Histoire sa capacité à réalisé des prouesses ?

L’une des histoire les plus connue de l’alpinisme

Très éloignée du sujet climatique, il y a une histoire qui m’a marqué et que j’aime me remémorer quand la situation semble désespérée. Vous me direz que c’est un cas particulier et que une pareille abnégation ne peut pas être appliquée au niveau mondial sur un temps aussi long…et pourtant je suis persuadé qu’il y a un apprentissage à retirer de cet épisode, parmi les plus célèbres de l’histoire de l’alpinisme. Pour reposer le contexte, deux hommes partent affronter un pic de la Cordillère péruvienne à plus de 6000m. Nous sommes en 1985 et le Siula Grande par la face nord-ouest n’avait jamais été vaincu avant eux. Après leur exploit, les deux compagnons sont pris par le mauvais temps et l’un des deux, Joe Simpson, se casse la jambe lors d’une chute. Son ami, Simon Yates, décide de l’aider à descendre malgré sa blessure jusqu’au moment où une glissade terrible suspend Simpson dans le vide. Simon Yates ne peut rien faire et au bout d’une longue attente, il décide de couper la corde. Il rentre au camp pensant son acolyte mort dans la chute et pourtant Joe Simpson est bien vivant. Il rentrera en rampant, trois jours plus tard, au camp de base avec sa jambe cassée et un tiers de son poids en moins.

Pourquoi est-ce que je vous raconte cette histoire ? C’est le témoignage de Joe Simpson qui me semble tout à fait éclairant au regard de notre sujet. Il explique que quand il s’est retrouvé dans la crevasse, après sa chute, déjà bien mal en point, il n’a pas pu se résoudre à abandonner. Pour ses proches, il devait rentrer chez lui. Il savait vers quoi il voulait aller et cela lui a permis de mobiliser son énergie et de produire des efforts extraordinaires dans ce sens. Cependant, bien que se refusant à abandonner, l’objectif final de rentrer au camp dans cet état lui semblait factuellement irréalisable. Dès lors, accroché à l’obligation de mobiliser toute son énergie pour revoir un jour sa famille, il a décidé de découper son épreuve en objectifs atteignables. À chaque fois, il levait la tête et se disait : « je vais me rendre à ce rocher à 10m ». Puis ensuite : « je vais glisser sur cette paroi jusqu’à ce passage ». Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il atteigne le camp de base dans un état second à la surprise de Simon Yates.

Proposer des utopies réalistes enthousiasmantes

Que retirer de cette histoire entrée dans la légende ? Joe Simpson savait vers quoi il voulait aller. Il avait un but immense. Et c’est ce cap, ensuite traduit dans sa réalité pour qu’il soit mis à sa portée qui lui a permis de soulever (ou plutôt de descendre) des montagnes. De retour à notre époque, dans le cadre du podcast 2030 Glorieuses inauguré au de l’année, j’échange avec des personnes qui ont décidé d’agir pour contribuer à la société juste et durable que nous espérons tant voir se concrétiser et je termine chaque conversation avec la conviction que tout n’est pas perdu. En effet, au fil de mes échanges, j’aperçois un lien invisible qui relie tous celles et ceux qui ont retroussé leurs manches. À chaque fois, plutôt que de nous perdre dans le détail du côté technique de leur action (revalorisation des déchets du bâtiment, location de produits technologiques réparables, etc.) nous abordons largement les caps vers lesquels ces personnes se dirigent ! Des utopies réalistes enthousiasmantes à des années lumières des perspectives de développement durable chimérique ou de décroissance punitive trop souvent affichées par nos dirigeants politiques.

Et si la réponse à notre immobilisme était là, évidente ! C’est normal que les foules ne s’embrasent pas quand on leur promet la rigueur, l’austérité et la limitation. C’est humain de préférer se laisser piéger par le mythe de la croissance éternelle, bien que les scientifiques aient clairement démontré ses limites, plutôt que de se diriger de son plein grès vers des futurs qu’on nous promet austères.

Nous avons besoin d’objectifs communs

Militants passionnés, citoyens engagés, scientifiques dédiés, entrepreneurs conscients, dirigeants politiques éclairés, plutôt que de nous écharper sur le « comment », nous devrions plutôt donner corps à des caps enthousiasmants ! Pour donner un but à l’humanité, nous avons besoin d’objectifs communs qui vont bien au-delà d’une recette millimétrée. C’est en nous retrouvant sur les fruits à retirer de nos efforts à venir que nous aurons l’énergie et la motivation de traduire la multitude d’actions à mettre en place dans nos modes de vie. Des alternatives diverses et adaptées selon les territoires, les cultures, les moyens, les expériences, les besoins…autant de différences qui méritent de cohabiter si nous voulons réussir à remettre le Vivant en haut de nos priorités, partout sur Terre.

Alors imaginons, rêvons et matérialisons ce que nous avons à gagner à changer nos modes de vie. Bien sûr que nous voulons tout faire pour limiter la hausse des températures, endiguer l’extinction de la biodiversité, arrêter la pollution plastique des océans, empêcher la destruction des sols, mais en réalité, ce ne sont pas des objectifs mais bien des externalités positives du changement profond de nos modes de vie vers des lendemains qui chantent. Des jours heureux où nous prendrons notre place parmi la nature, où nous nous ancrerons dans le moment présent, où nous tomberons amoureux du cosmos et tellement d’autres destins désirables qui sont encore à hauteur d’humanité…

L'auteur :  Julien Vidal

Julien est le fondateur du mouvement Ça commence par moi. Aujourd'hui, il continue à accélérer la prise de conscience écocitoyenne partout en France.

Julien est le fondateur du mouvement Ça commence par moi. Aujourd'hui, il continue à accélérer la prise de conscience écocitoyenne partout en France.